Escapad’Oc 2017 – 2/3

Escapade en pays d’Oc

Nous continuons durant cette Escapad’Oc, à vous faire découvrir les superbes textes, de Max Rouquette, cet enfant du pays occitan. Et pour commencer, pour le plaisir, pour nous mettre du soleil au cœur,  écoutons Max Roquette (Max Roqueta) nous conter la Mort de Costasolana. (Le texte traduit en Français se trouve sous la Vidéo !!!)

La mort de Costasolana  (La mòrt de Costasolana)
de Max Rouquette

« … Quand il ouvrit les yeux, il y avait peut-être cent ans qu’il était là, peut-être une minute, un petit air frais lui baisa la joue et le front. La nuit descendait lentement. Désormais il n’y avait plus de terre. La terre était dans son dos, il sentait avec ses épaules et il imagina qu’il la portait ainsi, tout seul, comme un géant. Elle était derrière. Costasolana était seul à la face du ciel. Il vit s’allumer des feux dans le grand gouffre de la nuit, il les vit trembler comme des cierges de pénitents ou de pèlerins en marche vers quelque Noël céleste. Il était là, seul devant la nuit comme Dieu quand il l’eut faite. Seul, mais privé de mains pour le distraire de son éternité.
La cloche s’était tue. Du sol montait un léger bourdonnement, une sorte de vapeur aux reflets de lumière qui montait jusqu’à remplir la nuit. Le souffle serein du monde. Son souffle à lui, le souffle de sa vie solitaire dans un ciel immense. Tout le ciel frémissait avec ce chœur aussi humble que le chœur des grillons, l’été, et c’était cela le souffle de Costasolana. Son esprit était au centre d’une roue brillante, le firmament tournait comme un navire qui se couche et va sombrer.
Quand la pénombre eut rendu le bois aux bêtes qui s’appellent de loin dans l’obscurité, Costasolana mourut. Le ciel étincelait de tous ses feux. La tête de l’homme était une pierre entre les pierres.
Le vent jouait avec ses cheveux. »


Dimanche 10 septembre 2017

Pézenas, balade à pied. En voiture Clermont l’Hérault, le village de Liausson qui domine le lac du Salagou et retour par le cirque de Mourèze formé de roches calcaires sculptées par l’érosion.


La Maison abandonnée
de Max Rouquette

« Nous sortîmes. Le malade allait devant, sans lumière, éclairé seulement par la pleine lune, suivi par son frère, ombre accablée et bossue. La mère venait derrière, comme si elle reprenait un exode ancien, perdue dans une angoisse sans fond dans laquelle ni la terre, ni la maison n’avaient leur place. Je traînais encore sur le perron. Je lui fis remarquer qu’ils laissaient la porte ouverte: « Personne ne viendra » dit la mère qui reprit son chemin. La maison était abandonnée. La vie des hommes se retirait d’elle, au travers des champs déserts. Comme les ensorcelées qu’une parole de Merlin eût transformées en figuiers ou en pierre de seuil, les pierres de ce désert étaient restées prisonnières de la volonté des hommes, transformées en maison, et l’enchantement avait joué pendant des siècles. Maintenant venait la défaite des enchanteurs. Le charme était rompu. Peu à peu, le temps nouveau libèrerait les pierres qui s’entasseraient au hasard. »

« Je me retournai. Je vis par la porte luire encore une braise. La cendre allait se refroidir à jamais. Dernier pas sur le seuil, dernier coup d’œil, dernière lune à qui nous laissions ces pierres abandonnées aux jeux sombres ou clairs des étoiles. Sur le grand plateau, un souffle passa, sans bruit. Venu peut-être du souffle universel qui faisait vaciller les lumières du ciel. Vaincus par la solitude et le temps, les hommes s’en allaient, derniers soldats d’une ruche morte. Guère plus. Derrière, la porte restait béante, ouverte aux quatre vents. »


Lundi 11 septembre 2017

Balade de 10km autour de l’ancienne abbaye Saint-Félix-de-Montceau, située sur le massif de la Gardiole, commune de Gigean.

Le château d’Aumelas ( Lo castel d’Aumelàs)
de Max Rouquette

« Le grand château dressait son poids de roche morte vers les sentiers de la lune. Sa tourelle au nord affrontait, comme la proue d’un vaisseau, cette mer de lumière, de silence et d’éternité. Le clocher, fendu en deux par le tonnerre et le temps, maintenait sa garde de prêtre-soldat sur le vieux jardin étroit et livré aux hautes herbes, aux cendres, à la ferraille oubliée, et qui fut cimetière autrefois. Les pas du vagabond retentirent aux trois coins de ce lieu de repos, puis la paix éternelle recouvrit tout à nouveau, sous la douce clarté qui interdit toute peine et toute joie, toute vie et toute mort, main de mère, doigts d’épouse effleurant les paupières pour les fermer doucement afin d’abolir le monde et étendre sur toute chose le royaume infini du néant. »

 


Mardi 12 septembre 2017

Balade de 5km sur la via Domitia (voie romaine construite à partir de 118 av JC.) à Pinet N°20 (Sentiers des Patrimoines).

La lune (La luna)
de Max Rouquette

« Maintenant, nous étions dans l’ombre. La lune avait disparu derrière les toits de l’église et glissait vers l’occident. Là-bas, haute, très haute dans le ciel, elle se penchait sur les balustrades, les voûtes, les terrasses du château d’Aumelas dressé là comme calciné, tout droit, par le feu de Dieu, à mi-chemin des astres. Elle se penchait sur ce silence, cette présence pétrifiée hors du temps, cette veille d’une attente d’éternité. À la pointe effilée de la tour, à l’extrême nord, il y avait une chouette aussi immobile que le château et qui, noire sur le ciel, jetait chaque minute une sorte d’appel à la justice du monde sidéral ; désespoir de ces pierres désertes noyées de lune et que le passé n’en finissait plus d’abandonner à jamais. La lune entra par les fins contreforts, dans des salles dont les murs éboulés s’ouvraient sur le gouffre ténébreux des bois de chênes verts. Châtelaine sur la tour, elle semblait contempler, par les trous béants des pierres, son empire. Elle vit la coquille qui dessine comme un soleil de pierre au-dessus d’un trône écroulé. Elle entra dans la pure église plus ouverte sur la nuit que le flanc de son Christ disparu. Longuement, entre les tas de gravats, elle caressa les murs et s’agenouilla sur d’antiques tombeaux, sans pierre, sans inscription, sans nom. Elle réveilla sous le ciel l’angoisse des voûtes. Puis elle reprit sa haute ascension dans un ciel de lumière, laissant aux grands rouvres, droits sur les crêtes, la royale robe d’un manteau d’ombre. »


Les protagonistes, comme de petites fleurs…


( à suivre…)

8 réflexions au sujet de « Escapad’Oc 2017 – 2/3 »

  1. Des pierres, des portes et des fenêtres où le ciel se reflète et c’est hypnotique. Par ma fenêtre à moi, du gris. Et vous m’offrez ce ciel si bleu que VanGogh nous a donné pour toujours, traversé de soleils. Et ces visages, grimaces de pierre qui sont de tous les peuples.
    Té vé! ça respire!
    vous êtes beaux tous les deux!

    Aimé par 1 personne

    • Je le savais, Té vé! Que je trouverais une nouvelle de tes respirations…
      Allez, voilà la traduction du texte précédent, une beauté !

      Le monde des herbes lentes
      «Rendu au silence, au grand passage du soleil et des constellations, sans fin, rendu aux oiseaux, aux serpents, à la sauvagine, aux caprices du vent, au pouvoir patient et inépuisable de la sève, à la loi obscure du poids des choses. Le feu des hommes les avait chassés. Le monde des herbes lentes pouvait reprendre le chemin de son empire. »

      Vert paradis III, « Le feu grégeois », Traduction Max Rouquette

      Té vé ! Nous t’embrassons.
      G&D

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